La famille de Rumine à Lausanne
A Lausanne, aujourd’hui, trois endroits rappellent encore particulièrement le souvenir de la famille russe de Rumine: l’avenue de Rumine, le palais de Rumine et l’avenue de l’Eglantine.
C’est en 1840 que Madame Catherine de Rumine
1 et son mari, le prince Basile, arrivèrent à Lausanne, où le prince espérait rétablir une santé passablement chancelante. Ils habitèrent tout d’abord Champittet, au bord de la Vuachère, puis à la villa Sainte-Luce, au bord de l’actuel Petit-Chêne, où Gabriel de Rumine naquit en 1841. Pour finir, le prince de Rumine acheta à l’est de la ville un terrain couvert de vignes et il y fit construire la «belle villa de l’Eglantine», comme on disait alors 2. A noter que l’édifice fut construit entre 1845 et 1848 par l’architecte Fridolin Simon. La villa était agrémentée d’un superbe parc, dont certains arbres doivent subsister de nos jours. Cette magnifique demeure hébergea la famille durant toute sa vie, puisque le prince Basile y mourut en 1848 et la princesse en 1867.
Demeure abattue
Aujourd’hui, l’actuelle avenue de l’Eglantine est à deux pas de l’emplacement de la villa, qui fut malheureusement abattue en 1959. Quant à l’avenue de Rumine
3, elle prolongea l’avenue du Théâtre (entre 1872 et 1889) et permit de joindre directement, par Georgette, Saint-François et l’avenue du Léman.
Du côté mémoire, Madame de Rumine a laissé à Lausanne le souvenir d’une femme très généreuse
4, d’une philanthrope qui donna, notamment, un important soutien financier à la création de l’Asile des Aveugles 5. Elle reçut, ainsi que son fils Gabriel, la bourgeoisie d’honneur de Lausanne, en 1862. Mère de plusieurs enfants, la princesse prit pour précepteur, dès 1854 pour son fils Gabriel, le renommé pédagogue lausannois Charles-Théophile Gaudin 6.
Le fils héritier, Gabriel, mourut en juin 1871 à Bucarest où il était en voyage. Il n’avait pas de descendance et il légua à la Ville de Lausanne une somme de 1’500’000 fr. Il demandait que cette somme, une fois doublée par la Ville ou d’autres donateurs, serve à une construction qui devait être jugée, quinze ans après sa mort, d’utilité publique par une commission formée pour une moitié de professeurs de l’Académie et pour l’autre de magistrats de la Ville de Lausanne
7.
Locaux pour l’Université
Le don de Gabriel de Rumine survenait à un moment où la question de la transformation de l’Académie en Université suscitait de vives discussions à Lausanne et dans le canton (à Genève, le passage de l’Académie à l’Université eut lieu en 1872). Un des problèmes à résoudre était notamment celui des locaux. Le legs de Rumine permit donc de réunir les fonds nécessaires à l’édification du bâtiment destiné à la nouvelle Université, finalement créée par la loi du 10 mai 1890. Le palais qui porte aujourd’hui le nom de Gabriel de Rumine fut construit de 1898 à 1906, d’après les plans de l’architecte français Gaspard André.
Laurette Wettstein
1. POLLA, Louis: «Lausanne 1860-1910», Lausanne 1969, pp. 182, 201.
2. et 3. GRANDJEAN, Marcel: «Les monuments d’art et d’histoire du canton de Vaud», t. IV: Lausanne, Bâle 1981, pp. 278, 281.
4. et 6. HAUPTMAN, William: «Revue historique vaudoise 1983», pp. 108 et s.
5. VAN MUYDEN, Berthold, «Pages d’histoire lausannoise...», Lausanne 1911, p. 532.
7. TISSOT, Laurent: «Revue historique vaudoise 1988», pp. 66, 67.