Une âme russe
Le 8 août dernier en plein centre de Moscou, au Musée d’art moderne, on a inauguré l’exposition «Vibrations de l’âme» par un vernissage assez inhabituel, qui a réuni plus de 400 invités: l’artiste y a en effet été décoré de la 8e médaille Pavlovskaïa, dont le tirage spécial en compte 9 au total. Il faut dire que Gabriel Juon a maintes fois participé à des expositions de bienfaisance en faveur d’enfants de familles pauvres, et c’est pour sa «grandeur d’âme» qu’il a été récompensé.
Digne représentant, donc, d’une lignée très ancienne, Gabriel Juon Erguine est le fils d’Anne Juon, Suissesse et doyenne centenaire de la famille.
Devenu artiste sur le tard, Gabriel Juon est né en Allemagne le 1er mars 1944 dans un camp de travail pour déportés. Il a ensuite vécu à Saint-Geneviève-des-Bois à Paris, où son père fut près de 30 ans le recteur de l’église orthodoxe russe du célèbre cimetière. Un père qu’il entendait répéter à chaque office de Noël: «Si Dieu le veut, l’année prochaine nous le fêterons en Russie.»
Le père d’Anne, Paul Juon, a étudié dans la même classe que Rachmaninov au Conservatoire de Moscou. Ayant quitté la Russie avant la révolution, le «Brahms russe», comme on l’appelait en Europe, donnait des cours de musique aux enfants de Scriabine et continuait de composer, en se promenant sur les bords du lac Léman. Les frères de Paul étaient aussi doués: Andreas Juon fut peintre et ses travaux sont largement connus en Allemagne et en Suisse. Quant à Constantin Juon, qui est resté en Russie, il est devenu académicien en peinture et a dirigé pendant de longues années l’Union des artistes d’URSS.
Aujourd’hui célèbre aussi bien en Europe qu’en Russie, Gabriel Juon a peint la Côte d’Azur, Menton, l’Île-de-France, la montagne et les lacs de Suisse, l’Inde, Venise, Amsterdam et bien sûr Paris.
Aimant se rappeler les années heureuses de son enfance et les vacances passées à Vevey, Gabriel a bien roulé sa bosse: les années passées dans le célèbre collège des Jésuites de Saint-Georges de Meudon, les études à l’Institut des langues orientales de la Sorbonne, une carrière de traducteur à la régie Renault dans les années 70, puis de directeur de la succursale moscovite de la banque Paribas ou encore de nombreux voyages en Inde en quête de spiritualité. Il a pourtant toujours été attiré par la patrie de son père, Alexandre Erguine, ancien officier supérieur de l'armée impériale, et a fini par y poser ses valises: exposé régulièrement depuis 1999 en Russie, il vit en grande partie à Moscou avec sa femme, Russe elle aussi.
Nathalie Doré