Les libres faiseurs de butin
La piraterie a toujours existé, et existe toujours, mais durant un siècle et demi elle prit une importance particulière, tant par ses enjeux politiques et économiques que par son cadre géographique. Cette forme de piraterie se nomma la Flibuste et prit pour cadre les Caraïbes.
L’aventure démarre à la naissance du XVIe siècle et fut tout d’abord une riposte à la mainmise des Espagnols et des Portugais sur le Nouveau Monde. Elle commença donc par l'installation durable de corsaires dans les Caraïbes, qui trouvèrent là de nouvelles richesses après avoir écumé l'Atlantique Nord et la Manche.

Mais ce qui différencia la flibuste de la piraterie connue jusqu’alors, fut principalement sa fonction de catalyseur des enjeux stratégiques européens de l’époque. En effet, outre une formidable attaque du monopole économique de l’Espagne et du Portugal, elle fut aussi une riposte des huguenots massacrés par la couronne d’Espagne et la papauté. A l’image des réformateurs hollandais que l’on appela bientôt les “Gueux des mers”, et des “Chiens de mer” de la reine d’Angleterre, la flibuste devint le théâtre d’une nouvelle société qui brandit la révolte comme étendard. La flibuste permit aux Pays-Bas de s'assurer un quasi monopole sur le sucre et les épices, et de s'émanciper de la couronne espagnole. A l'Angleterre, elle permit de développer sa marine, ce qui lui assura le contrôle du monde et façonna une géo-politique qui dirige encore notre planète.

L’Histoire aujourd’hui tente de différencier les corsaires des flibustiers ou des pirates, mais au gré des alliances, des guerres, des enjeux et des intérêts de chacun les frontières entre ces différentes facettes d’une même activité furent bien floues. Reste cette contre-société, hors des normes et des lois de l’époque. Une communauté obéissant à ses propres règles, ayant institué la contrebande comme système économique et le code de conduite des “Frères de la côte” comme loi suprême.

Marins émérites, guerriers féroces, parfois sanguinaires, les flibustiers surent néanmoins construire une société égalitaire et démocratique. A bord de leurs bateaux les capitaines étaient élus pour leurs seules qualités de navigateur ou de chef de guerre et le butin était partagé à égalité entre officiers et matelots. Certains d'entre eux tentèrent même d'instaurer de véritables sociétés, comme Libertalia, à Madagascar. L’entreprise tourna court, après 30 ans de réussite, suite aux conflits avec les chefs locaux et le massacre de la communauté par les Malgaches; mais qui sait sans cela ce qu’elle aurait pu donner !

Forts de leur courage et de leur liberté qui étaient totale, les flibustiers et leurs successeurs fournirent et fournissent encore aux amateurs d'aventure de quoi nourrir leurs rêves les plus fous...